Sucreries à la Martinique

A la Martinique, en 1671, soit seulement 36 ans après la colonisation par BELAIN DESNAMBUC, on dénombre 109 habitations-sucreries selon Mireille MOUSNIER et Brigitte CAILLE avec la collaboration  de Danielle BEGOT dans l’ « Atlas historique du patrimoine sucrier de la Martinique » Editions L’harmattan.

Atlas historique du patrimoine sucrier de la Martinique »
Editions L’harmattan

La Pagerie et l’exploitation de la canne à sucre

Dès la fin du 17 ème siècle, le quartier de la Pagerie aux Trois-Ilets a été en grande partie consacré, comme de très nombreux lieux de la Martinique, à la culture de la canne à sucre. La culture de la canne s’y est maintenue jusqu’au milieu du 20 ème siècle.

Carte extraite de « Atlas historique du patrimoine sucrier de la Martinique »On y distingue l’emplacement de la Sanois future habitation la Pagerie.

Une habitation sucrerie de type colonial

En 1763 à la naissance de Rose future Impératrice Joséphine, le devenir de la plantation sucrière de la Pagerie à la Martinique, s’inscrit totalement dans le cadre de l’époque, c’est-à-dire une économie de type colonial.

Selon la définition énoncée par Dominique ROGERS Maître de conférence en histoire à l’Université des Antilles, une habitation est une exploitation agricole (semi-industrielle dans le cas des sucreries ou des indigoteries) d’assez grande taille, produisant en général des denrées pour l’exportation.

Forme à sucre pour l’achèvement du processus de dessiccation du sucre. Le résultat c’est le  « pain de sucre » qui permet la manutention du produit.

Le système de l’exclusif

Le système de l’exclusif est appliqué à partir de 1670 dans les colonies françaises de la Caraïbe. Ce système participe de la volonté royale de contrôler davantage les colonies antillaises qui rentrent en 1674 dans le domaine royal.

Cependant ce système est constamment remis en cause par les acteurs de l’interlope mais aussi du fait d’autorisations ponctuelles (en cas de cyclones ou de famines) ou de plus long terme avec le Canada ou l’Amérique espagnole suivant les périodes. Etienne de Choiseul Premier ministre de Louis XV résume ainsi le système colonial : « une colonie ne vaut que par le gain qu’elle procure à la métropole ».

Louis XV Roi de France 1710-1774 – Portrait par Quentin Latour

L’esclavage

L’esclave est la propriété par un humain d’un autre humain, dans le but d’un travail forcé.

Dans les colonies françaises des Antilles, l’esclavage est réglementé par un ensemble de textes réunis sous le nom de « Code noir » ou « Recueil des règlements rendus jusqu’à présent concernant le gouvernement l’administration de la justice, la police, la discipline et le commerce des nègres dans les colonies françaises ». La première version du Code noir est élaborée par Colbert.

Le code Noir

L’habitation sucrerie de la Pagerie

Elle est idéalement située à quelques petits dizaines de mètres d’une rivière et à 2 km environ d’un accès à la mer par la petite anse dénommée « Trou Morin ».

C’est au Trou Morin que débute le voyage vers la métropole des productions issues de la Pagerie.
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Le lieu où embarquait Rose pour se rendre au couvent collège des Dames de la Providence à Fort-de-France avec sa sœur Catherine Désirée. C’est aux environ du trou 16 de l’actuel golf.

Moulins à bêtes

Ainsi que l’indiquent Mireille MOUSNIER et Brigitte CAILLE, le moulin de l’habitation sucrerie de la Pagerie était un moulin à bêtes.

La force motrice utilisée dans le moulin de la Pagerie vient de bêtes (bœufs ou mulets, parfois chevaux).

Moulin à bêtes

Thèse de Françoise ROSE-ROSETTE pour le doctorat vétérinaire 

A propos de l’utilisation des animaux dans les moulins, Françoise ROSE-ROSETTE dans sa thèse pour le doctorat vétérinaire intitulée « Les équidés à la Martinique » signale le perpétuel et impérieux besoin de chevaux, de mulets en Martinique et même de bœufs pour actionner les moulins à sucre.

Afin de pallier le manque chronique de force motrice d’origine animale, les divers gouverneurs de l’île demandaient au pouvoir central de manière réitérée et pressante, mais souvent sans succès, l’autorisation de déroger à la règle de l‘exclusif qui limitait les relations commerciales autrement qu’avec la métropole.

Thèse pour le doctorat vétérinaire de Françoise ROSE-ROSETTE

Inventaires

En 1769, Joséphine avait alors 6 ans, la Martinique compte 296 habitations-sucreries. Les inventaires réalisés au décès des propriétaires successifs ou pour une vente fournissent une photographie de l’habitation.

Trois inventaires se succèdent entre 1807 et 1816.

Ces inventaires permettent de connaître le nombre d’esclaves vivant sur la propriété, pour certains de connaître leur statut sur l’exploitation ou dans la maison, ainsi que leur âge et parfois les conditions de leur affranchissement. L’inventaire établi après le décès de Madame DE LA PAGERIE mère de Joséphine précise aussi quels étaient alors les bâtiments existant à la Pagerie.

  • 1807 un inventaire a été réalisé à la mort de madame DE LA PAGERIE.
  • 1815 Inventaire faisant suite au décès de Joséphine et destiné à la succession par moitié à son fils Eugène et à sa fille Hortense.
  • 1816 Inventaire pour la vente de la part d’Hortense à son frère Eugène.

>> Consulter des éléments de ces inventaires extraits d’un article de l’historien Serge PAIN.

Une partie de ces inventaires a été retrouvé par Robert ROSE-ROSETTE dans une étude de notaire.

Tombeau de Mme de LA PAGERIE mère de Joséphine à l’église des Trois-Ilets

A la fin du 18 ème siècle, après une période désastreuse de cyclones à répétition et une mauvaise gestion de la part du père de Joséphine, l’habitation la Pagerie a vécu des années plus florissantes grâce notamment à l’administration diligente de Mme DE LA PAGERIE, mère de Joséphine.

Pendant les années où la gloire a souri à Joséphine, l’exploitation a bénéficié d’un accompagnement privilégié. Après le décès de Mme DE LA PAGERIE et celui assez rapproché de Joséphine, les propriétaires se sont succédés rapidement. Cette instabilité n’a sans doute pas été favorable à la prospérité de l’exploitation.

Une autre explication du déclin de l’exploitation est aussi que la grande période du sucre de canne était terminée. L’heure du sucre de betterave, concurrent redoutable et durable du sucre de canne, avait sonnée !

Photo 1 : Edification en France d’usines à sucre de betterave très modernes au 19 ème siècle.
Photo 2 : Les ruines de l’habitation la Pagerie vers 1880. Carte postale musée de l’ Impératrice Joséphine aux Trois-Ilets
Photo 3 : Photos de la « chambre de madame » à la fin du 19 ème siècle.

Il semble que dès le milieu du 19 ème siècle la sucrerie n’ait plus été en fonction. Cependant la culture de la canne à sucre a perduré autour du foyer de la Pagerie jusque dans les années 1960.

Quelques uns des propriétaires de la Pagerie au 19 ème siècle :

A la suite d’Eugène DE BEAUHARNAIS les propriétaires vont se succéder. Ce sont notamment :

  • Madame Marie-Magdeleine Françoise LETOURNEUX
  • Monsieur Privat-Sébastien CAFFIE
  • Epoux BIROT-MONLOUIS
  • 1853 Auguste DORRY
  • 1897 Mr CHAMBERLAN négociant à Saint-Pierre
  • 1897 Mr QUENESSON un usinier

A partir de 1944 Robert ROSE-ROSETTE achète à monsieur QUITMANN 44 hectares comprenant le foyer de l’habitation dont 9 hectares se situent sur la rive gauche de la rivière de la Pagerie et le reste sur la rive droite. Tous les bâtiments  de l’ancienne habitation sucrerie sont alors sans exception en ruine.